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Tout est vide maintenant



Tout est vide maintenant. Il n’y a plus rien puisque tout s’est déserté. Les mariés et leurs invités qui ont laissé s’enfuir ce que contenaient les plats et les bouteilles. Il ne reste que moi, au milieu du bordel inondé de tout ce qui a été renversé au cours de la journée, puis soirée, puis nuit, puis matin...

Et là, le temps n’avance plus.

Je suis patient et surtout un peu trop ivre pour pouvoir me lever de la table qui s’est effondrée sous mon poids quand je dansais dessus. Depuis que le temps s’est arrêté, j’apprivoise les déchets et les montagnes de nappes qui m’encerclent et font de moi une icône de la déchéance et du déchet. 

Je me fais la réflexion que c’est peut-être un peu excessif de parler de déchéance. 

Il y a ma copine qui rentre dans la salle pendant que je me parle de déchéance. Je ne la connais pas depuis très longtemps... je l’aime vraiment beaucoup... elle à les cheveux très raides et blonds. Comme je suis absolument immobile, elle ne me voit pas. Elle avance à grands pas trébuchants dans la grande salle où il n’y a plus de temps. Je la vois soulever les nappes et chercher sous les chaises... Peut-être sa chaussure puisqu’il lui en manque une. Sa présence redéclenche le processus du temps. Tout d’un coup, débarque une dizaine de personnes en chemise blanche, pantalon noir. Ils viennent ici et en nombre pour détruire mon royaume de déchets aux milles odeurs et sauces. 

(La scène se déroule en accéléré)

Les tables sont débarrassées et pliées, puis les chaises, puis le sol...

J’ai l’impression d’être en plein milieu d’un champ de bataille. Et dans cet immense chahut entre le bien et le déchet, mon immobilité est parfaite. Maintenant, je suis un fauve et je fond vers l’invisible où j'aperçois ma blonde qui slalome entre les guerriers et qui se jette sur moi de tout son long. Elle rit aux éclats et me dit qu’elle me cherche depuis toujours et qu’elle m’a vu depuis là-bas et elle nous enroule dans le premier bout de nappe qu’elle trouve parce qu’elle dit qu’elle ne veut pas que les guerriers nous plient et nous rangent. Elle est marrante ma blonde toute ivre. Je la serre dans mes bras pendant qu’elle me parle de l’abri aérien que constitue la nappe qu’elle tient tendue au dessus de nous et à travers la table ou le béton armé, elle crie aux envahisseurs qu’elle ne faiblira pas, que la résistance grandit à chacun de leurs actes et que d’ailleurs, elle vient de mettre à l’abri le chef sanguinaire de la rébellion dans un abri aérien bien loin d’ici et partout à la fois. Et elle crie de plus en plus fort en rigolant et en disant: “dis leur de quoi tu es capable ! Dis leur ! “ Et moi, pendant ce temps, je décide de l’aimer à en mourir.













Ca fait une éternité



1

Comment es-tu devenu comme ça? Je ne sais pas à quel moment tu as changé mais je me rends compte ce matin que cela fait une éternité.

Je me demande à partir de quand tu es devenu complètement différent de ce que tu étais. A partir de quand tu as rangé tes cheveux sur le coté, tu as fais pousser une moustache dont tu t’occupes souvent et tu as accepté qu’on te vouvoie et d’autres choses comme ça qui sont un peu étranges puisque tous les deux on détestait les vieux cons comme toi.



2

Elle est dans le salon maintenant puisqu’elle ne peut plus dormir depuis qu’il s’est couché en faisant du bruit. A ce moment là, elle se souvient et trouve ça idiot, elle lui avait donné un coup de genou dans la cuisse. Elle avait visé au hasard mais espérait au minimum le ventre. Tan pis. Alors elle était allée dans le salon où elle fume depuis des heures maintenant puisqu’elle ne peut plus dormir. Elle se répète ça plusieurs fois parce que ça l’agace et elle se demande en souriant pourquoi elle avait été si violente et elle se souvient et trouve ça idiot, elle lui avait donné un coup de genou mais elle se souvient aussi que sur le moment, ce qu’elle voulait faire c’était lui écraser la gueule et massacrer son corps entier qui était coupable du bruit. Elle trouve tout ça étrange alors avant qu’il se lève définitivement, elle revisite tous les albums photo et repense à tout.


3

Quand elle sort sur le perron, elle voit qu’il ne fait aucun des deux, jour ou nuit. Elle découvre pour la première fois que les grandes tiges de mauvaise herbe coincées entre la base de la maison et les graviers blanc, portent d’immenses fleurs jaunes.

Elle sort un peu plus. Non, elle descend les marches et va sur la route pour voir la maison entourée de toute les fleurs. Elle sont si jaunes que tous les alentours bleuissent. Et ses mains aussi. Marie regarde ses mains et elles sont bleues.

Petit à petit, le bleu passe et tout redevient gris et blanc mais comme les fleurs continuent d’attirer toute la lumière, le jour se lève rapidement.

Pendant que la lumière la réchauffe, elle reste sur la route pour écouter le silence absolu et voir ce qui s’y passe.

Un réveil sonne. Des bruits. Un homme se lève et elle chuchote “Bertrand”. Au début elle voulait crier pour lui dire  “Eh Bertrand, je suis là ! Je suis en train de te regarder vivre et de voir si tu le fais bien.” Finalement elle garde tout ça pour elle ....pour voir donc......



4

Ensuite Marie rentrera dans la maison en marmonnant “on est vraiment des vieux cons Bertrand on est vraiment des très morts vieux cons”...etc., et il demandera: “qu’est-ce que tu dis? J’entend pas... tu me disais un truc?” Et elle lui demandera comment il est devenu comme ça parce qu’elle lui demandera comment il est devenu comme ça parce qu’elle n’a rien vu mais voudrait bien savoir comment...etc.  









J’ai entendu un truc.



C’était à New York. Tu as peut-être entendu parler de cette histoire là à New York. Quoi que c’était peut-être Los Angeles ou San Francisco. Enfin c’était une grande ville comme ça où on peut imaginer du match de base-ball et des plaques d’égout qui fument. De la grande ville américaine quoi... A moins que ce ne soit dans une grande ville comme Hong Kong... va savoir... peut-être Londres. Bon, en tous cas dans une immense ville y'a un type, mais je ne sais plus quand ça s’est passé, ce type-là a décidé que les chaussures n’avaient aucun lien avec les pieds et que par contre, c’était très bon à manger.

L’autre lui demande ce qui lui est arrivé après ça, au gars, et combien il avait réussi à manger de chaussures sans gerber et s’il l’avait vraiment fait.

Et l’autre lui répond qu’il ne savait pas tout sur cette histoire, il avait juste entendu parler deux vieux l’autre jour dans une file d’attente au tabac presse, à moins que ce ne soit aux chiottes de la gare ou voilà, des lieux comme ça où on attend et en attendant on se reluque et on s’écoute et là d’ailleurs, tu vas rire et c’est un comble, je ne portais pas de chaussures. 


matériaux récupérés...

Ma ville respire à grand fracas. Ce qu'elle rejette est à moi parce que mon attention est bonne

"Plancher sur le réel" (série)


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